Consommation
Au pays de la gastronomie et des grands banquets, la nourriture est une affaire sérieuse. Alors ? Que trouve-t-on dans nos assiettes aujourd’hui ?
À table !
Comparé au pain quotidien d’un français du XIXe siècle, le régime actuel est un festin difficile à concevoir. Il est plus riche, plus diversifié, contient de nombreux produits frais ou jadis réservés aux plus fortunés (pièces de boucherie, cacao…) et même certains aliments inconnus jusqu’alors (qui aurait pu prédire les Kinder Surprise et le fromage en tube ?). Si les céréales (pain, pâtes, riz) apportent toujours la plus grosse part de nos calories, les produits d’origine animale (œufs, viandes, poissons, produits laitiers) ont pris une grande place dans notre alimentation. Ils constituent aujourd’hui notre première source de protéines
Les produits ultra-transformés sont une autre grande caractéristique de notre alimentation moderne. Ils représentent environ un tiers de ce que nous mangeons
« Que ton alimentation soit ta première médecine »
Hippocrate, le célèbre médecin de la Grèce antique à qui on attribue cette maxime, doit se retourner dans sa tombe. En effet, l’alimentation est devenue en France le principal facteur de risque de mauvaise santé et l’une des premières causes de mortalité
Le surpoids et l’obésité ont explosé en une vingtaine d’années et touchent aujourd’hui en France respectivement une personne sur deux et une personne sur six
Nos amis les bêtes ont un bon coup de fourchette
Avant d’arriver au milieu de la table, le poulet fermier du dimanche a eu une vie et un gésier bien remplis : 70 g d’aliments par jour en moyenne, soit 6,3 kg à l’issue de sa carrière
Cet exemple nous rappelle que nos animaux d’élevage ont bon appétit. Ils consomment la moitié des céréales produites en France et non exportées
Dit autrement, plus il y a de produits animaux dans l’assiette, plus il y a besoin de terres agricoles pour soutenir ce régime. Le régime français moyen actuel nécessite environ 4 000 m² de terres agricoles, contre 2 500 m² pour un régime moitié moins gourmand en produits animaux et 1 800 m² pour un régime trois fois moins gourmand
Quand l’élevage déraille
La domestication des animaux a constitué une étape majeure dans l’évolution des sociétés humaines. En plus de fournir une force de travail et un moyen de transport, de permettre le transfert de fertilité des espaces pâturés vers les terres cultivées, les animaux ont joué un rôle important dans la sécurité alimentaire en valorisant des terres peu fertiles et des déchets. Ils continuent de fait de jouer ce rôle dans de nombreux pays. Les produits animaux sont par ailleurs une très bonne source de protéines et de certains micronutriments (fer, zinc, vitamines). Mais le mariage de l’élevage et du productivisme agricole au cours du XXe siècle a tourné au désastre.
À cause des surfaces considérables de terres cultivables qui lui sont dédiées (voir ci-dessus), l’élevage concentre une grande partie des impacts négatifs de l’agriculture liés à l’utilisation des pesticides et des engrais minéraux. L’irrigation du maïs grain, presque uniquement destiné aux animaux, est de loin la première cause de prélèvements d’eau l’été
Soyons clairs, l’élevage n’est pas problématique par nature. L’histoire des sociétés humaines nous éclaire sur les nombreux avantages apportés par la domestication des animaux et de multiples exemples en France témoignent des impacts positifs que peut avoir l’élevage, notamment pour le maintien d’écosystèmes remarquables. Mais force est de constater que l’élevage tel qu’il est majoritairement pratiqué aujourd’hui s’est détourné de ses fonctions historiques et nous conduit à une impasse. Nous devons ensemble, éleveurs, citoyens et décideurs, trouver un nouvel équilibre.
L’assiette du futur
Récapitulons, notre régime actuel pose problème pour deux raisons : il nous rend malades car nous mangeons trop de produits ultra-transformés et il n’est pas durable car nous mangeons trop de produits d’origine animale. Le chercheur Anthony Fardet propose un principe simple pour mieux manger : la règle des « trois V »
À quoi cela ressemblerait-il concrètement ? Les modèles proposés dans certains scénarios de transition agricole et alimentaire comme TYFA ou Afterres2050
Vers un changement de régime
Précisons de suite que la diminution de la consommation de produits animaux doit aller de pair avec une diminution en amont des productions animales. Sans quoi la pression sur les terres arables ou les impacts liés à l’élevage intensif resteront inchangés. Autre évidence, ce n’est ni aux éleveurs, ni aux salariés de l’agroalimentaire de payer le prix de cette réorientation collective.
Nous pourrions laisser faire le temps. Le renouvellement des générations est particulièrement difficile en élevage et les contraintes à venir sur la production fourragère ou les cultures vont vraisemblablement plonger de nombreux éleveurs dans des situations économiques intenables
L’une des difficultés, c’est que les principaux outils de régulation et de planification relèvent de la politique européenne (
En attendant que les institutions européennes se saisissent des enjeux, nous pouvons déjà faire beaucoup en France. La restauration collective gérée par les collectivités et les administrations publiques doit se montrer exemplaire en suivant la règle des « trois V » et les recommandations du Haut Conseil pour la Santé Publique. Agir fermement sur la publicité et la pression marketing en faveur des produits ultra-transformés, notamment celles visant les enfants
Et si on changeait de régime alimentaire (plus local, plus bio et avec moins de gaspillage) ?
- Le régime alimentaire moyen en France pose deux problèmes majeurs : il nous rend malades à cause d’une consommation excessive de produits ultra-transformés riches en sucre et en graisses, il n’est pas durable à cause d’une trop grande consommation de produits d’origine animale.
- Plus notre alimentation est riche en produits d’origine animale, plus elle nécessite une surface agricole importante.
- L’élevage moderne s’est éloigné de ses fonctions historiques, il mobilise une quantité disproportionnée de terres arables et d’autres ressources par rapport à sa contribution à l’alimentation humaine.
- Un régime alimentaire plus vrai (produits bruts ou peu transformés), plus végétal et plus varié permettrait d’améliorer notre santé et la durabilité des systèmes agricoles.
- Sa généralisation, associée à une réduction des productions animales, nécessite des mesures politiques coordonnées à différentes échelles pour garantir une transition juste et en phase avec les contraintes économiques des producteurs.