Impacts des pratiques agricoles
Qu’y a-t-il de commun entre le marais poitevin, la plaine steppique de la Crau, le bocage normand ou les pelouses calcaires des Vosges ? En plus d’être des écosystèmes remarquables, ces milieux ont tous été façonnés par l’homme en vue d’en tirer de la nourriture. Plus de la moitié du territoire de France métropolitaine est concerné par l’agriculture
La grande simplification
Au cours de la modernisation agricole de la seconde moitié du XXe siècle, les paysages se sont radicalement transformés. Les terres les moins productives ont été abandonnées et ont laissé progressivement place à la forêt. À l’inverse, on a fait en sorte de tirer le meilleur parti des terres restantes et de faciliter leur exploitation : haies arrachées, talus rasés, zones humides drainées, parcelles regroupées. Ainsi, environ 70 % des haies ont été arrachées dans notre pays depuis 1945, et la tendance s’est encore accélérée ces dernières années
Et chez vous ?
L’intensification des pratiques agricoles
Les changements au niveau des paysages se sont accompagnés d’un recours accru aux intrants permettant de doper la production, en particulier les pesticides et les engrais minéraux. Les plans nationaux (Ecophyto) visant à réduire l’utilisation des pesticides ont été efficaces pour les plus nocifs d’entre eux, mais la consommation globale est restée relativement stable depuis le premier lancement en 2009
Et chez vous ?
L’utilisation de ces produits permet d’obtenir des rendements importants et relativement stables, mais le prix à payer est élevé. Une expertise collective de l'INSERM a établi que les travailleurs agricoles exposés aux pesticides sont plus susceptibles de contracter des pathologies graves comme certains cancers ou la maladie de Parkinson
Une biodiversité en chute libre dans les campagnes
Si vous êtes né avant 1990, vous vous souvenez peut-être des nuées d’insectes s’agitant autour des lumières les soirs d’été ou bien des pare-brises couverts de moucherons après un trajet dans la campagne. En une vingtaine d’années, les populations d’insectes se sont littéralement effondrées sous nos yeux. Les études dans les pays occidentaux se succèdent et toutes font état de reculs massifs liés à l’homogénéisation des paysages, des cultures et à l’intensification des pratiques agricoles
Vous n’êtes peut-être pas un grand amateur de petites bêtes, pourtant, les insectes, oiseaux et autres espèces sauvages jouent un rôle essentiel pour l’agriculture. Elles assurent la pollinisation des plantes, empêchent la prolifération des espèces nuisibles, entretiennent la fertilité des sols. Plus la biodiversité se dégrade, plus nous devons intervenir et recourir à des traitements pour la remplacer, et plus nos systèmes agricoles sont gourmands en intrants et vulnérables en cas d’arrivée d’un nouveau prédateur ou d’une nouvelle maladie
L’agroécologie, une réponse globale
Que l’on considère les pratiques agricoles héritées de l’après-guerre du point de vue de leurs impacts sur notre santé et l’environnement, du point de vue de notre perte d’autonomie et de souveraineté (cf thématique Dépendances aux ressources et aux technologies) ou du point de vue de notre vulnérabilité face au dérèglement climatique (cf thématique Climat et autres crises), nous avons de très bonnes raisons de les faire évoluer.
En réponse à cela, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à s’orienter vers l’agroécologie. Derrière ce concept, à la fois référentiel technique et méthodologique, champ de recherche multidisciplinaire et mouvement social, se développe une démarche visant à concevoir et à conduire des agrosystèmes soutenables sur la base des connaissances scientifiques modernes. Un des objectifs est notamment de remplacer au mieux certaines interventions humaines (fertilisation, gestion des bioagresseurs, travail du sol) par des processus naturellement à l'œuvre dans les écosystèmes.
L’agroécologie peut s’envisager sous la forme d’un ensemble de grands principes : diversification des productions et des paysages, recherche d’autonomie, sobriété dans l’utilisation des ressources, préservation des milieux et de la santé globale. Elle se traduit concrètement par des pratiques comme la plantation de haies, la réduction ou l’abandon des engrais et pesticides de synthèse, la diversification des cultures, les mélanges variétaux, la mise en place de couverts végétaux, l’introduction de légumineuses dans l’assolement, la réduction du travail du sol, l’élevage à l’herbe des ruminants, etc. L’agriculture biologique est aujourd’hui une référence en termes de système de production agroécologique. Les agriculteurs engagés dans cette voie témoignent de sa faisabilité technique tout en expérimentant de nouvelles pistes d’amélioration. En parallèle, et souvent en combinaison avec l’agriculture biologique, les démarches autour de l’agriculture de conservation des sols, des systèmes d’élevage herbagers et de l'
Et si on développait l'agriculture biologique, quels seraient les impacts écologiques ?
Généraliser l’agroécologie : mission impossible ?
Les agriculteurs qui développent des systèmes agroécologiques nous montrent qu’il n’y a pas d’obstacles techniques infranchissables et que ces modèles sont viables en plus d’être autonomes et économes
- la dépendance à des engagements, des décisions et des investissements passés qui conditionnent la stratégie de l’entreprise agricole pour plusieurs années ;
- le manque à gagner lié à certaines pratiques comme la diversification des cultures ou la réduction des intrants, faute de valorisation suffisante des productions (prix qui ne compensent pas la baisse des rendements, débouchés incertains ou peu rémunérateurs pour certains produits) ;
- des modèles agroécologiques et des références techniques trop peu présents dans l’environnement professionnel et informationnel ;
- un plus ou moins strictcontrôle social.[12]
Dans ce contexte défavorable à l’agroécologie, les injonctions à s’y conformer peuvent avoir des effets totalement contre productifs en venant nourrir un sentiment d’impuissance, voire de ressentiment. Il est toutefois possible de proposer un nouveau cadre où l’adoption des pratiques agroécologiques deviendrait une véritable opportunité économique. Au niveau national, la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation répond à cet enjeu en ouvrant des débouchés garantis et rémunérateurs aux producteurs qui s’engagent dans une transformation de leur système (cf thématique Accessibilité de l'alimentation). La prise en charge financière par la puissance publique des investissements devenus obsolètes (ou actifs échoués) fait également partie des leviers à mobiliser
Et chez vous ?
L’agroécologie peut-elle nourrir la France ?
Un des revers de l’agroécologie
- La modernisation de l’agriculture française au cours de la seconde moitié du XXe siècle s’est accompagnée d’une simplification des productions et des paysages et d’une intensification du recours aux intrants (engrais et pesticides de synthèse).
- L’augmentation des rendements ainsi permise a eu comme contrepartie des impacts importants sur la santé et l’environnement. La biodiversité des milieux agricoles a connu une chute spectaculaire.
- L’agroécologie, bien représentée aujourd’hui en France par l’agriculture biologique, propose un cadre cohérent pour concevoir une agriculture durable. Son développement ne peut reposer que sur la seule bonne volonté des agriculteurs, il nécessite un nouveau cadre économique et réglementaire pour rendre attractifs les changements de trajectoire et les sécuriser.
- Que ce soit du fait de la transition agroécologique ou des contraintes énergétiques et économiques, on s’attend à une diminution du recours aux intrants et une baisse de la production agricole. Dans ce contexte, une moindre consommation de produits d’origine animale permet de maintenir notre sécurité alimentaire.