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Autonomie alimentaire

La plupart des départements français affichent un
honorable, au moins pour certains produits. Pourtant, les chances pour que ce qui se trouve dans votre assiette vienne des fermes et usines alentour sont très faibles ! Voyons ça de plus près.

L’exemple du yaourt à la fraise

Comment produit-on aujourd’hui un banal yaourt à la fraise ? De prime abord, on pourrait penser que ce dernier ne nécessite grosso modo qu’une vache, un pré, des fraises et des ferments lactiques. C’est en réalité un poil plus complexe : mises bout à bout, les étapes de sa fabrication font intervenir plus d’une dizaine d’espèces animales, végétales et microbiennes, autant d’usines dans des secteurs industriels variés (exploitation minière et pétrolière, chimie minérale et organique, machinisme agricole, plasturgie, agroalimentaire) et plus de 9 000 km de transport routier
. Le yaourt doit ensuite être acheminé vers une plateforme logistique où il sera expédié vers un commerce, alors seulement vous pourrez l’acheter !
Yaourt
Composition détaillée d’un yaourt à la fraise

Notre nourriture a bien voyagé

Notre yaourt à la fraise n’est qu’un exemple parmi d’autres de la complexité du système alimentaire moderne. Aujourd’hui en France, la grande majorité de la production agricole d’un département est exportée et la grande majorité de l’alimentation de ses habitants est importée
. On estime à environ 1 200 km le transport nécessaire pour notre nourriture du quotidien
, soit la distance entre Brest et Nice !
Cette organisation repose sur un vaste réseau logistique, essentiellement routier, et fonctionnant à flux tendu. Si certains réarrangements sont possibles en cas de perturbations, un tel système reste particulièrement sensible aux contraintes sur le prix ou l’approvisionnement en carburants ou à des dysfonctionnement des infrastructures électriques ou numériques.

C’est quoi la spécialité du coin ?

La spécialisation agricole des territoires et la concentration des outils de transformation et des plateformes logistiques (cf chapitre Transformation & Distribution) sont deux éléments clés pour expliquer l’allongement spatial des chaînes de production et de distribution de nourriture.
Tirant profit de certaines
, de la présence d’infrastructures (ports, usines) ou d’opportunités techniques et économiques, la plupart des régions françaises se sont spécialisées dans un petit nombre de productions. Une fois amorcé, ce phénomène a tendance à se renforcer de lui-même, les agriculteurs d’un territoire ayant davantage intérêt à se conformer à la production dominante. Autrefois majoritairement en polyculture-élevage, les exploitations actuelles sont désormais neuf fois sur dix spécialisées dans un seul type de production
.
À l’échelle de la France, la spécialisation des territoires a eu comme principale conséquence la séparation entre zones de cultures et d’élevage. Aux plaines des bassins parisien et aquitain les grandes cultures, au Grand Ouest la production intensive de lait, de porcs et de volailles, aux zones montagneuses l’élevage plus extensif de ruminants.
En plus d’un besoin en transports accru et des risques face à une contraction de l’approvisionnement en pétrole, la spécialisation agricole a des effets pervers. Les fortes densités d’animaux dans les zones d’élevage génèrent d’importantes quantités de déjections à l’origine d’une grave pollution des milieux aquatiques. La concentration des cultures irriguées pèse localement fortement sur la ressource en eau. Un aléa climatique ou biologique (maladie, ravageur) a plus de chance de causer de lourds dégâts dans les zones spécialisées par rapport à d’autres plus diversifiées.

Relocaliser une partie de notre alimentation

Notre dépendance critique au pétrole pour le bon fonctionnement des flux agricoles et alimentaires risque de nous jouer quelques mauvais tours. Anticipons une réduction des capacités de transport avant que les contraintes physiques et géopolitiques ne s’en chargent pour nous ! L’objectif peut être résumé ainsi : ne pas faire venir de loin la nourriture qui pourrait facilement être produite à proximité, en cherchant en priorité à assurer un auto-approvisionnement minimum pour les produits de base. Cela signifie concrètement développer des filières de proximité pour transformer et écouler localement les produits agricoles et diversifier les productions si nécessaire.
Facile à dire… Le processus de spécialisation procède par effets de cliquet et il est très difficile de revenir en arrière une fois certains seuils dépassés. Allez convaincre des cultivateurs beaucerons de relancer l’élevage sans vétérinaires, inséminateurs, techniciens spécialisés, vendeurs de matériel, laiteries, abattoirs. Allez dire à un agriculteur alsacien de remplacer une partie de son maïs par des haricots rouges, du pois chiche, ou des légumes de plein champ, sans variétés ou matériel adaptés, sans techniciens ou voisins pour le conseiller, sans garantie sur les rendements et sur les débouchés, le tout pour plus de travail et une rentabilité plus faible.
Les initiatives de diversification avec transformation à la ferme et vente directe peuvent être les germes d’une future transformation, mais le changement d’échelle nécessite davantage de moyens et de planification. Les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle majeur grâce à la commande publique et à leur compétence en matière de développement économique. Pour aller plus loin, il faut garantir aux producteurs des débouchés rémunérateurs. La mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation répond à cet enjeu au niveau national (cf chapitre Accessibilité de l'alimentation). Au niveau européen, nous pouvons mobiliser les outils de la PAC (aides couplées, prix garantis), sans oublier d’harmoniser les règles de commerce international pour éviter des mises en concurrence déloyales.
Ils l'ont fait
Vendée
Des agriculteurs se sont regroupés pour diversifier leurs productions avec la mise en culture de légumes secs destinés à la vente directe sur le territoire.
Ils l'ont fait
Pays Basque
Le travail de l’association Uztartu rassemblant des entreprises agroalimentaires et des structures agricoles a permis la structuration de filières locales pour le pain et la viande bovine.
À retenir
  • Aujourd’hui, un produit en apparence aussi banal qu’un yaourt à la fraise a mobilisé en réalité une organisation extrêmement complexe et un très grand nombre de ressources.
  • Notre système alimentaire repose sur un vaste réseau logistique principalement routier, et fonctionnant à flux tendu. Cela le rend vulnérable à des contraintes sur le prix des carburants ou l’approvisionnement en pétrole, et à des dysfonctionnements des systèmes électriques ou informatiques.
  • La spécialisation historique des régions agricoles et la concentration des unités de transformation expliquent en grande partie notre dépendance actuelle au transport.
  • Pour réduire notre vulnérabilité, nous pouvons développer des filières alimentaires de proximité (production agricole, transformation agroalimentaire, logistique). Une planification impliquant différentes échelles, du local à l’Union Européenne, est nécessaire.