Climat et autres crises
C’est à la faveur d’un réchauffement global suivi d’une relative stabilité climatique que l’agriculture s’est développée il y a environ 10 000 ans. Le dérèglement climatique actuel, avec un réchauffement cent fois plus rapide, va-t-il sonner la fin de la partie ? Sans aller jusque-là, nous avons quand même de bonnes raisons de nous intéresser de près au sujet.
Ca va être chaud
En 2022, une sécheresse exceptionnelle secoue la France de mai à septembre . Déficits de précipitations records, vagues de chaleur, les sols agricoles n’ont jamais été aussi secs, dépassant les niveaux historiquement bas de 1976. Les cultures d’été souffrent, des éleveurs sont contraints d’abattre des bêtes faute de pouvoir les nourrir, des incendies géants se déclarent dans des départements jusque-là préservés, certaines communes doivent être approvisionnées en eau potable par camions-citernes.
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Et chez vous ?
Focus sur votre territoire
66
%
de votre territoire a été sous arrêté sécheresse à l'été 2022
(16% en moyenne entre 2016 et 2020)
Cet épisode nous donne un bel aperçu d’une année « moyenne » dans un monde qui se serait réchauffé de 2°C. Les années « mauvaises » atteindraient alors des niveaux de sévérité difficiles à imaginer... Ce scénario peu réjouissant pourrait devenir la réalité du pays dès 2050 si les tendances actuelles d’émissions de gaz à effet de serre se poursuivent.
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Et chez vous, il fera quel temps en 2050 ?
Focus sur votre territoire
Voir sur CC Explorer
Il fera le même temps à Tulle en 2050 qu'à Nimes aujourd’hui.
L’agriculture en première ligne
L’élévation de la température moyenne va se traduire en France par la progression d’un climat de type méditerrannéen vers le Nord, avec en particulier des étés plus chauds et plus secs. Les équilibres économiques d’aujourd’hui vont être remis en question dans de nombreux territoires, notamment pour les productions viticoles, l’arboriculture, ou les systèmes pastoraux. La productivité des prairies pourrait diminuer de 25 % en moyenne, tout comme les rendements du maïs grain. Pour les élus, l’arbitrage entre les usages de l’eau en période estivale va devenir un sujet brûlant.
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Projections régionalisées de l’indice d’humidité relative des sols, en moyenne printanière, par rapport à 1970. Le scénario considéré correspond à une trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre provoquant un réchauffement d’environ 3°C d’ici 2100 (équivalent au scénario RCP 6.0 du GIEC).
Lecture : En 2055, l’indice d’humidité des sols aura une valeur moyenne correspondant aux niveaux « sec » à « extrêmement sec » d’aujourd’hui dans la plupart des départements. Un niveau extrêmement sec correspond à la sécheresse de 2003.
Lecture : En 2055, l’indice d’humidité des sols aura une valeur moyenne correspondant aux niveaux « sec » à « extrêmement sec » d’aujourd’hui dans la plupart des départements. Un niveau extrêmement sec correspond à la sécheresse de 2003.
Source: Météo-France/CLIMSEC(2012)
Chocs climatiques et autres crises : des risques pour la sécurité alimentaire ?
Les événements climatiques extrêmes vont se multiplier et gagner en intensité. Des sécheresses inédites vont toucher le pays et provoquer des pertes agricoles très lourdes. Les vagues de chaleur, les inondations ou les tempêtes auront des impacts sur les cultures et les élevages, pouvant localement ruiner la production. Les plus fortes d’entre elles pourront ébranler sévèrement le système alimentaire en mettant en danger les travailleurs ou en détériorant certaines infrastructures critiques (routes, silos, usines, réseau électrique).
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Plus généralement, le dérèglement climatique et l’épuisement des énergies fossiles nous font entrer dans une période de grande incertitude, propice aux perturbations. Des crises sont susceptibles de mettre sous tension le système alimentaire, qu’elles surviennent sur le territoire national ou qu’elles nous touchent indirectement à travers l’interconnexion des économies à l’échelle mondiale : crise financière, crise sanitaire, conflit armé, mouvements sociaux, actes de malveillance ou terrorisme... Les événements climatiques extrêmes vont se multiplier et gagner en intensité. En France, la prise en compte des risques de rupture des chaînes d’approvisionnement en nourriture est embryonnaire, et le niveau de préparation de la population minime.
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S’adapter aux évolutions en cours et anticiper les chocs
Bonne nouvelle : la généralisation de l’agroécologie permet non seulement de réduire nos dépendances à des ressources critiques, de limiter les impacts négatifs de l’agriculture mais aussi de s’adapter au dérèglement climatique (cf chapitre Impacts des pratiques agricoles). En diversifiant les systèmes de culture, on ne met pas tous ses œufs dans le même panier en cas d’événement climatique extrême. En améliorant la teneur des sols en matière organique, on leur permet de mieux retenir l’eau et de mieux résister aux sécheresses. En remettant des arbres dans les campagnes, on protège les cultures du vent et des coups de chaud et on offre de l’ombre aux animaux. Mais pour que l'agroécologie devienne la norme, il faut s’attaquer à des verrous politiques et économiques majeurs.
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Ils l'ont fait
La plate-forme AgriAdapt recense les risques climatiques auxquels sont exposées les exploitations agricoles en fonction des territoires. Elle présente également des mesures d’adaptation propres à différents systèmes de production (grandes cultures, élevage, fruits et vignes).
Notre sécurité alimentaire future dépendra aussi de notre capacité à anticiper les crises et à réagir rapidement et avec efficacité en cas de choc. La prévention des risques peut commencer au domicile en faisant des stocks adaptés d’eau et de nourriture. Elle prend également une dimension collective et les élus, garants de l’ordre public, ont tout intérêt à se saisir du sujet. Ils peuvent pour cela s’inspirer des protocoles de prévention et de gestion d’autres risques comme le Programme d’Action et de Prévention des Inondations et l’adapter aux situations de rupture des chaînes d’approvisionnement en nourriture.
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À retenir
- Les effets du dérèglement climatique sur l’agriculture se font déjà sentir et vont s’intensifier dans les décennies à venir.
- On s’attend à une dégradation progressive de la productivité des prairies et des rendements des cultures d’été et à un accroissement des tensions pour l’usage de l’eau.
- Les événements climatiques extrêmes (sécheresses, vagues de chaleur, pluies intenses, tempêtes) vont devenir plus fréquents et plus intenses, avec des conséquences potentiellement très graves pour le monde agricole (pertes économiques, mise en danger des travailleurs).
- De nombreuses pratiques agroécologiques sont pertinentes du point de vue de l’adaptation au dérèglement climatique. Elles apportent une plus grande sécurité économique dans un environnement instable.
- Face à des crises brutales (dysfonctionnement des systèmes électriques ou de transports, choc pétrolier, conflit international) notre sécurité alimentaire peut se détériorer rapidement. Nous pouvons anticiper ces risques et nous y préparer collectivement.