Quels sont les usages agricoles de l’eau et les impacts sur la ressource ?

Il faut de l’eau pour faire pousser les plantes, ce n’est pas un scoop. Et quand elle ne tombe pas du ciel, on sort les tuyaux d’arrosage. Découvrez dans cet article la place qu’occupe l’agriculture dans notre consommation d’eau, les territoires et les cultures les plus irrigués, et les impacts des pratiques agricoles sur la qualité de l’eau.
À l’échelle nationale
8 min
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En résumé
Les points à retenir
  • Environ deux tiers de l’eau consommée en France l’est pour des usages agricoles.
  • L’irrigation est de loin le premier poste de consommation d’eau en agriculture mais seules 10 % des terres cultivables sont irriguées.
  • Le maïs grain, principalement destiné à l’alimentation animale, est la première culture consommatrice d’eau d’irrigation. De manière générale, notre utilisation de la ressource contribue surtout à l’alimentation des bêtes et s’avère peu efficace du point de vue de l’alimentation humaine.
  • La qualité de l’eau est fortement liée aux pratiques agricoles locales. Les pollutions par les nitrates et les pesticides sont largement répandues et le dérèglement climatique les aggrave.

Prélèvements et consommation : qui pompe quoi ?

CHAPITRE 1
Lorsqu’on s’intéresse aux usages de l’eau, il faut bien distinguer « prélèvement » et « consommation ». L’eau consommée est la partie de l’eau prélevée qui ne retourne pas dans le milieu. Par exemple, les centrales électriques prélèvent une grande quantité d’eau pour leur refroidissement, mais seulement 4 % de cette eau est consommée (ici par évaporation, via les panaches de vapeur au-dessus des centrales), le reste est rejeté dans les cours d’eau. L’eau qui n’est pas consommée est en revanche souvent altérée par son utilisation (plus chaude, plus polluée).
Prélèvements et consommations d'eau
Prélèvements et consommations d’eau (parties hachurées) en fonction des secteurs d’activité pour l’année 2020. Interprétation : les centrales électriques sont de loin les plus gros préleveurs d’eau en France, mais elles consomment au final peu d’eau. Bien que l’agriculture prélève moins d’eau que les centrales, elle en consomme près de quatre fois plus, constituant ainsi le premier poste de consommation d’eau en France.
Source : Données issues de « La demande en eau. Prospective territorialisée à l’horizon 2050. » (2025) Rapport de France Stratégie
 
Alors que le secteur agricole représente 13 % des prélèvements totaux, il est largement en tête en ce qui concerne les consommations d’eau avec 68 % du total 
[1]
.

L’utilisation de l’eau par le secteur agricole

CHAPITRE 2
L’essentiel de l’eau consommée par l’agriculture sert à l’irrigation des cultures (environ 85 %) 
[2]
. Le reste est majoritairement utilisé pour l’abreuvement des animaux, et, dans une moindre mesure, pour le lavage des bâtiments et du matériel.
Il existe une grande variabilité en matière d’irrigation, à la fois entre les territoires, et selon les périodes de l’année. Certains territoires sont très économes (Bretagne, Normandie, Lorraine…) et d’autres y recourent largement (arc Beauce-Charentes-Sud-Ouest, vallée du Rhône, Alsace…). Comme les besoins en eau se concentrent l’été, la part de la consommation d’eau pour l’agriculture dépasse 90 % de la consommation totale entre juin et août dans les principales régions d’irrigation 
[3]
.
Carte des prélèvements pour l'irrigation en France hexagonale
Zoomez pour voir la situation sur votre commune ou cliquer ici pour vous déplacer sur votre territoire.
Prélèvements en eau pour l'irrigation
N.B. : Cercles proportionnels aux prélèvements
Malgré son poids considérable dans notre consommation d’eau, l’irrigation est une pratique peu répandue. L’agriculture française reste très majoritairement pluviale
 
. Un peu plus de 1,8 million d’hectares ont été irrigués en 2020, soit 7 % de la surface agricole totale du pays, ou 10 % des terres cultivables 
[4]
. La tendance est cependant à une augmentation des surfaces équipées pour l’irrigation : 2,8 millions d’hectares irrigables en 2020 contre 2,3 millions en 2010 
[5]
.

Une faible contribution des cultures irriguées à notre sécurité alimentaire

CHAPITRE 3
La culture la plus arrosée est de loin le maïs grain
 
, représentant un tiers des surfaces irriguées en 2020 
[6]
. Cette culture est en effet sensible au manque d’eau estival, la différence de rendement entre un maïs grain irrigué et non irrigué est de 30 % en moyenne 
[7]
. Pour autant, seul un tiers environ du maïs grain est irrigué 
[8]
. On trouve ensuite parmi les cultures irriguées les fruits et légumes, le blé dur, le maïs fourrage, diverses
cultures d'été 
et de plus en plus de vignes.
On constate qu’une grande partie – et probablement la majorité si on prend en compte non pas les surfaces mais les volumes – de l’eau utilisée pour l’irrigation sert à des cultures destinées à l’alimentation animale. Comme le rendement énergétique de l’élevage est faible (voir le chapitre dédié dans le décryptage Consommation), notre utilisation de la ressource en eau est globalement peu efficace du point de vue de l’alimentation humaine.
Répartition des surfaces irriguées
Source : Figure extraite de la publication Graph’Agri 2023 de l’Agreste (Données issues du recensement agricole 2020).

Les engrais et les pesticides participent à la pollution de l'eau

CHAPITRE 4
En France, moins de la moitié des cours d’eau sont en bon état écologique et un tiers des eaux souterraines ou de surface sont en mauvais état chimique 
[9]
. Cette situation est en grande partie due à la pollution par les résidus d’engrais (nitrates et phosphore) et de pesticides agricoles. Près de 20 % de l’azote apporté aux champs par les engrais a été lessivé
 
vers les cours d’eau sur la période 2016-2020 
[10]
. Les nutriments apportés par les engrais minéraux et les lisiers
 
sont les plus susceptibles d’être lessivés car leur libération dans le sol est rapide.
Ces polluants se retrouvent dans les nappes souterraines et parfois même dans l’eau du robinet ! Ils peuvent persister des décennies et poser des problèmes de santé publique majeurs comme la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe
 
. Le dépassement d’un seuil sanitaire pour un ou plusieurs polluants est fréquent et oblige à fermer des captages d’eau potable
 
. Notons que l’agriculture n’est pas seule responsable de la pollution des milieux aquatiques, les eaux usées domestiques ou industrielles participent elles aussi aux problèmes : nitrates et phosphates 
[11]
, métaux lourds, microplastiques, PFAS, résidus médicamenteux, etc.
 
Pourtant, la quantité d’engrais consommés par le secteur agricole a diminué depuis les années 1980 
[12]
et des progrès indéniables ont été faits pour limiter le lessivage des nutriments vers les cours d’eau (amélioration des techniques et des calendriers d’épandage d’engrais, implantation de couverts végétaux pour piéger les nutriments, meilleur stockage des lisiers et des fumiers). Malgré tout, le cycle de l’azote reste aujourd’hui complètement déséquilibré et retrouver le surplus d’azote dans les milieux aquatiques n’a rien de surprenant. Et le dérèglement climatique ne va pas arranger les choses : les épisodes de sécheresse aggravent la pollution des eaux car les molécules problématiques y sont alors davantage concentrées et la chaleur augmente la prolifération des microorganismes. Certains territoires sensibles aux sécheresses comme le Jura font ainsi face à une dégradation des cours d’eau qui s’aggrave, malgré une agriculture relativement extensive
 
.

Retrouver une eau de qualité, c’est possible !

CHAPITRE 5
Au niveau local, la réduction de l’utilisation d’engrais et de pesticides peut en quelques années avoir des impacts significatifs sur la qualité de l’eau. Après un travail avec les agriculteurs, certaines collectivités ont ainsi pu à nouveau ouvrir des captages d’eau potable qu’elles avaient dû fermer. Au niveau global, réduire la place de l’élevage permet de limiter nos besoins en azote pour l’alimentation animale et donc de faire une utilisation plus mesurée des engrais tout en réduisant les effluents (fumier, lisier) à épandre et les pertes associées.
Ils l'ont fait
Champ de trèfles
Lons-le-Saunier (39)

Améliorer la qualité de l'eau en soutenant l'agriculture biologique

Confrontée à des problèmes de qualité de son eau potable, la ville de Lons-le-Saunier a lancé dès les années 2000 une politique de soutien à l’agriculture biologique : rémunération pour encourager les changements de pratiques, structuration des débouchés pour les produits bio, acquisition de terres, etc.

Lire le retour d'expérience sur le site Territoires Bio
Ruisseau dans une forêt
Saints-en-Puisaye (89)

Accompagner la transformation des pratiques agricoles à l'échelle d'une commune

Afin de rendre à nouveau potable l'eau du captage de la commune, contaminée aux nitrates et aux pesticides, agriculteurs et élus se sont mobilisés pour réduire l'utilisation d'intrants, implanter des prairies et développer l'agriculture biologique.

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