Quelles sont les adaptations possibles de l’agriculture face au manque d’eau ?

Le dérèglement climatique va avoir de lourdes conséquences sur le secteur agricole. Éviter un emballement catastrophique du climat en diminuant nos émissions de gaz à effet de serre est une priorité, mais il nous faut en parallèle, quoi qu’il arrive, nous adapter à ce nouveau contexte où l’augmentation des sécheresses nous obligera à faire des arbitrages difficiles. Plus de méga-bassines ? Moins de méga-poulaillers ? Venez vous faire votre idée !
À l’échelle nationale
16 min
Champ avec bassine
En résumé
Les points à retenir
  • En matière d’adaptation de l’agriculture au manque d’eau, l’irrigation ne permettra pas à elle seule de répondre aux enjeux ; les transformations à mener sont plus profondes et dépassent ce qui est du ressort des seuls agriculteurs.
  • Un plus grand recours à l’irrigation pourrait être envisagé dans certains territoires du Bassin Parisien qui verront en moyenne leurs réserves en eau souterraine augmenter avec le dérèglement climatique.
  • Dans les autres territoires, stocker davantage d’eau en période hivernale pour l’utiliser l’été est une piste à envisager avec précaution à cause des risques de maladaptation et de concurrence avec les autres usages de l’eau.
  • Le remplacement des cultures d’été les plus gourmandes en eau par d’autres moins exigeantes est la transformation la plus prometteuse pour réduire nos besoins en eau mais elle ne pourra se faire sans un cadre politique favorable.
  • Même en déployant toutes les mesures d’adaptation possibles, les niveaux actuels de production agricole ne pourront être maintenus. Réduire le poids de l’élevage est le principal levier pour maintenir notre sécurité alimentaire dans ce contexte. Cela implique là aussi de mettre en place un cadre politique qui garantisse la sécurité économique des personnes qui travaillent dans les filières impactées.
  • En plus de ces adaptations progressives, il faut nous préparer à devoir gérer des événements climatiques extrêmes et des situations de crise inédites.

Des questions techniques, sociales, et politiques

CHAPITRE 1
Rappelons que diminuer nos émissions de gaz à effet de serre doit rester notre objectif numéro un si l’on souhaite éviter un emballement désastreux du système climatique. Pour reprendre une formule souvent employée, notre situation revient à « éviter l’ingérable et gérer l’inévitable ». Et parmi l’inévitable, le secteur agricole va se trouver de plus en plus confronté à une augmentation des besoins en eau (températures plus élevées, sols plus secs) et à une diminution de l’eau disponible en période estivale (aussi bien du côté des précipitations que du niveau des nappes et cours d’eau). Pour en savoir plus, voir le décryptage Quelles sont les adaptations possibles de l’agriculture face au manque d’eau ?.
Deux types de stratégie sont généralement mises en avant pour faire face à cet effet ciseau : agir sur l’offre en augmentant les prélèvements directs ou le stockage de l’eau l’hiver pour son utilisation l’été ; agir sur la demande en développant des techniques d’irrigation plus efficaces et/ou en réduisant globalement les besoins en eau du système agricole, y compris en modifiant les productions et donc, la consommation.
La question de l’adaptation de l’agriculture au manque d’eau réunit beaucoup d’ingrédients pour en faire un sujet complexe et clivant. Le sujet est technique, les problématiques sont différentes d’un territoire à un autre, les incertitudes sur l’évolution du cycle de l’eau sont nombreuses, les tensions pour accéder à la ressource peuvent être vives et les arbitrages entre les usages difficiles. Nous espérons ici participer de manière constructive aux débats en présentant les différentes options, leurs limites, et les perspectives politiques que cela ouvre. Toutefois, poser un cadre garantissant une gouvernance démocratique de l’eau et un partage équitable de la ressource est un prérequis indispensable à toute stratégie d’adaptation.

Des opportunités pour l’irrigation dans certains territoires

CHAPITRE 2
Le dérèglement climatique va accentuer le contraste saisonnier des précipitations. Dans certains territoires, les pluies hivernales plus abondantes vont augmenter la recharge des nappes d’eau souterraines et leur niveau moyen sur l’année (voir le décryptage Comment le dérèglement climatique impacte le cycle de l’eau et l’agriculture ?). Il s’agit de régions situées dans la moitié nord du pays, dotées de
grandes nappes inertielles 
et où les impacts du dérèglement climatique restent suffisamment modérés pour limiter la baisse des débits des cours d’eau et leur effet de drainage des nappes.
Ces territoires, situés principalement dans le Bassin Parisien (Île-de-France, Beauce, Artois-Picardie…), seront donc vraisemblablement préservés au niveau de la ressource en eau souterraine. Un plus grand recours à l’irrigation par prélèvements directs dans les nappes peut y être envisagé pour faire face à l’augmentation du
stress hydrique 
des cultures. Le taux d’équipement pour l’irrigation est d’ailleurs déjà en hausse dans ces territoires 
[1]
.
L’inertie de ces nappes d’eau est un point important à noter. Un déficit de pluie peut mettre plusieurs années avant de se traduire par une baisse du niveau de la nappe 
[2]
. Autrement dit, ces grandes nappes souterraines ne sont pas immunisées contre le risque de sécheresses, mais elles les vivent avec un certain décalage. Pour l’agriculture, c’est un avantage : les années de sécheresse où les besoins en eau sont les plus importants ont plus de chance de coïncider avec des niveaux de nappes moyens ou élevés. Mais le futur reste très incertain ; un suivi rigoureux des niveaux d’eau est donc indispensable pour garantir un usage durable de la ressource et éviter la panne sèche.

Stocker l’eau « en trop » : le bon sens et ses limites

CHAPITRE 3
Pour les territoires n’ayant pas la chance d’avoir de grandes nappes souterraines capables de stocker durablement des pluies d’hiver plus abondantes, le stockage dans des réservoirs artificiels fait partie des stratégies d’adaptation envisagées. Ces réservoirs peuvent être alimentés par des eaux de surface (récolte des eaux de ruissellement, barrage, dérivation ou pompage d’un cours d’eau) ou par pompage d’eaux souterraines. Dans le cas de projets controversés de réservoirs de grande dimension, le terme « méga-bassines » est souvent utilisé par les opposants.
bassine agricole
Vue aérienne d’un réservoir d’eau (bassine agricole) de 4,3 hectares situé sur la commune de Cram-Chaban (Charente-Maritime)
Source : Géoportail
Si stocker de l’eau en période d’abondance pour l’utiliser en période de pénurie semble relever du simple bon sens, les risques de maladaptation que pourrait entraîner un recours démesuré aux solutions de stockage d’eau sont toutefois bien documentés par la communauté scientifique. On entend par là le fait que des ouvrages censés atténuer les impacts du dérèglement climatique accroissent en réalité notre vulnérabilité face aux sécheresses 
[3]
. Le risque concerne particulièrement les réservoirs alimentés par pompage dans les nappes
 
et la logique est la suivante :
  • il est difficile de prévoir avec précision comment la disponibilité en eau va évoluer à long terme sur un territoire donné. Même si une tendance à la hausse de la recharge hivernale des nappes se dégage, il y a toujours une grande variabilité entre les années ;
  • il y a donc un risque de décalage entre le volume d’eau nécessaire pour remplir les réservoirs et l’eau réellement disponible ;
  • les agriculteurs seront fortement incités à remplir les réservoirs même lorsque les niveaux hivernaux des nappes seront faibles car ils devront rentabiliser ces investissements coûteux. Cela aggravera le déficit d’eau l’été, avec des impacts sur les milieux aquatiques et l’alimentation en eau potable ;
  • le sentiment de sécurité apporté par les réservoirs a tendance à retarder des adaptations plus profondes au manque d’eau ;
  • lors de sécheresses sévères au cours desquelles le remplissage des réservoirs sera impossible, les dégâts pour les agriculteurs seront plus importants faute d’adaptation préalable de leur système de culture.
Pour les réservoirs alimentés par pompage hivernal dans un cours d’eau 
[4]
, les prélèvements n’ont pas de répercussions l’été suivant, ce qui limite les risques vis-à-vis des milieux aquatiques ou de l’alimentation en eau potable. Mais en cas de sécheresse hivernale exceptionnelle empêchant le remplissage des réservoirs, les agriculteurs seront tout de même plus vulnérables s’ils n’ont pas adapté leur système.
Ce risque de maladaptation peut toutefois être nuancé. D’une part, les avantages cumulés apportés par les réservoirs lors des années « moyennes » (où ils seront remplis) peuvent quand même être supérieurs aux dégâts causés par les sécheresses sévères (où ils ne pourront pas l’être). D’autre part, en cas d’hiver très sec qui compromet le remplissage des réservoirs, les agriculteurs peuvent décider au printemps de semer des cultures moins sensibles au manque d’eau.
Pour résumer, d’un point de vue technique, le stockage hivernal de l’eau dans des réservoirs peut faire partie d’une stratégie globale d’adaptation sous réserve que ces derniers ne soient pas surdimensionnés par rapport à la disponibilité future de la ressource, qu’ils ne compromettent pas les autres usages de l’eau et que cela ne retarde pas la transformation des systèmes agricoles vers plus de sobriété. En réalité, les controverses autour de ces projets portent surtout – et à juste titre – sur des questions politiques. Qui décide des seuils d’autorisation pour le pompage dans les nappes ou les cours d’eau ? Qui décide du partage de la ressource entre agriculteurs ? Existe-t-il un « droit à l’eau » pour tous ou seulement pour certains ? Qui finance la construction des réservoirs ? Avec quelles contreparties ?
Tout cela étant dit, si une stratégie d’irrigation menée avec discernement est un levier d’adaptation à considérer (voir ci-dessous à quoi pourrait ressembler une irrigation « de résilience »), elle restera une pratique minoritaire dans le paysage agricole français
 
. Son déploiement fait en effet face à de multiples contraintes : eau disponible, conflits d’usage, réglementation, investissements et coût de fonctionnement 
[5]
. Il est donc nécessaire de se pencher sérieusement sur des mesures d’adaptation structurelles au manque d’eau.

Réduire la demande en eau : les voies de la sobriété et leurs limites

CHAPITRE 4
On peut réduire les besoins en eau de l’agriculture de plusieurs manières
 
 : en améliorant l’efficacité de l’irrigation, en favorisant des cultures et des variétés moins sensibles au manque d’eau et en modifiant l’environnement des cultures pour limiter le
stress hydrique 
.

Recourir à l’irrigation de précision.

Concernant l’irrigation, les techniques dites « de précision » peuvent améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau en favorisant des apports « au bon endroit et au bon moment » notamment grâce au suivi de l’état hydrique du sol. Néanmoins, le risque d’un « effet rebond » en la matière est bien documenté : la plus grande efficacité de l’irrigation pousse à y avoir davantage recours, ce qui peut conduire paradoxalement à une plus grande consommation globale d’eau 
[6]
. Les autres limites de ce type d’adaptation sont son coût, le risque de
salinisation des sols 
, le peu de contrôle par les agriculteurs sur les technologies utilisées, et le fait qu’il soit par définition restreint aux zones irrigables, soit une minorité des terres.

Diversifier les cultures.

Remplacer des cultures fortement consommatrices d’eau l’été par d’autres moins gourmandes est la mesure la plus efficace pour réduire structurellement la demande en eau du secteur agricole. Il est possible dans certains cas de le faire avec des cultures « classiques » comme le blé, l’orge, le colza ou encore le tournesol
 
. Mais le plus souvent, ces cultures sont déjà bien représentées dans l’
assolement 
et il est nécessaire d’introduire de nouvelles cultures pour des raisons agronomiques (sorgho, millet, luzerne, lentille, pois chiche, soja, légumes plein champ…)
 
. Plus généralement, avoir différentes cultures avec chacune ses forces et ses faiblesses, permet d’être moins vulnérable face à la sécheresse et aux autres aléas puisque le risque est davantage partagé entre les cultures. Malheureusement, la diversification des cultures se heurte à de nombreux obstacles : charge de travail supplémentaire, manque de variétés adaptées ou d’outils et machines spécifiques, besoin de formation des producteurs et de leurs partenaires techniques ou commerciaux, absence de filière pour la récolte ou le stockage, débouchés incertains et moindre valorisation économique des produits issus d’une diversification par rapport aux cultures dominantes
 
. Pour que la place du maïs irrigué diminue, il faut que les cultures alternatives deviennent plus attractives, que les débouchés soient assurés et que les filières qui en dépendent aujourd’hui (notamment l’élevage) puissent se réorganiser en fonction, y compris en réduisant leur activité. Autrement dit, il y a beaucoup de paramètres à actionner en même temps, et ni les agriculteurs, ni les consommateurs n’ont le pouvoir de planifier et de coordonner à eux seuls un changement d'une telle ampleur (voir le chapitre dédié dans le décryptage Impacts des pratiques agricoles). L'intervention des autorités et en particulier de l'État est nécessaire pour établir le cadre nécessaire. La problématique est la même concernant le remplacement des cultures pérennes (vigne, arbres fruitiers) qui deviennent inadaptées à l’évolution du climat local.

Utiliser des variétés adaptées.

La sélection de variétés de plantes plus tolérantes au manque d’eau peut être une option intéressante en matière d’adaptation, mais on ne peut raisonnablement fonder tous nos espoirs dessus. Il s’agit d’un processus technique long, incertain, et il est difficile d’améliorer ce paramètre sans perdre sur d’autres plans (tolérance au stress, résistance aux maladies, rendement, qualité nutritionnelle…). Le mélange de variétés pour une même culture est également une piste à explorer, certains essais montrent en effet une meilleure tolérance à la sécheresse des mélanges par rapport aux cultures « pures » 
[7]
.

Augmenter le taux de matière organique des sols.

On peut aussi réduire le stress hydrique des cultures en augmentant les niveaux de matière organique des sols, ce qui améliore leur capacité à retenir l’eau (et plus généralement leur fertilité). La généralisation des cultures intermédiaires et la plantation d’arbres dans les parcelles sont les mesures les plus efficaces pour relever les niveaux de matière organique 
[8]
. Mais cela représente un coût supplémentaire qui reste aujourd’hui pris en charge par les agriculteurs volontaires et le gain en termes de rétention d’eau demeure limité
 
. De la même manière, si développer l’agroforesterie a de multiples avantages en termes de biodiversité ou de séquestration de carbone, l’effet des haies et des alignements d’arbres au sein des parcelles sur le stress thermique et hydrique des cultures (par ombrage et protection du vent) est peu documenté 
[9]
.

Ralentir l’eau et améliorer son stockage grâce aux « solutions fondées sur la nature »

CHAPITRE 5
Terminons ce panorama des stratégies d’adaptation en prenant un peu de recul. Les liens entre eau et agriculture peuvent s’envisager à une échelle plus large, celle des paysages et des petits bassins versants. Une telle approche est portée par de nombreuses Agences de l’Eau, syndicats de bassins versants et par le mouvement de « l’Hydrologie Régénérative » 
[10]
. Elle consiste à mettre en place des aménagements et des pratiques visant à ralentir l’eau, à favoriser son infiltration et son stockage naturel dans les zones humides, les sols et les sous-sols.
Les actions pouvant être mises en œuvre pour cela font partie des« solutions fondées sur la nature » 
[11]
. Elles sont nombreuses et dépendent du contexte local : désimperméabilisation de certaines surfaces, plantation de haies et de bosquets, aménagement de talus, de terrasses, de mares ou de fossés, réorganisation du drainage agricole, couverture végétale des sols, reméandrage de cours d’eau, etc. Si la plupart de ces actions semblent relever d’un certain « bon sens » écologique et hydrologique, les effets concrets sur le cycle de l’eau et l’adaptation au dérèglement climatique (notamment pour l’agriculture) sont encore peu documentés.
Ils l'ont fait
Champ avec du paillage
Vinon-sur-Verdon (83)

Réduire les besoins en eau sur une exploitation agricole

Dans un système en grandes cultures et maraîchage, Guillaume Joubert met en place des actions pour faire face à l'augmentation des sécheresses : couverts végétaux et semis direct, introduction de cultures résistantes, utilisation de variétés précoces.

Lire le témoignage sur le site OSAÉ de Solagro
Paysage de bocage au Pin, Loire-Atlantique, France
Oise (60)

Lutter contre la sécheresse et les inondations à l’échelle d’un bassin versant

Depuis 2020, le Syndicat Interdépartemental du SAGE de la Nonette porte un programme visant à limiter le ruissellement des eaux pluviales et les risques associés (inondations, érosion). Sur les parcelles agricoles les plus sensibles, des aménagements favorisant l’infiltration de l’eau sont mis en place : haies, fascines, noues, bandes enherbées.

Lire le témoignage

Limiter la casse : une responsabilité politique

CHAPITRE 6
Que retenir de ces différentes options d’adaptation ? Tout d’abord que la plupart des solutions techniques et agronomiques aux mains des agriculteurs sont limitées et incertaines. Pour les exploitations concernées, le remplacement du maïs par des cultures moins sensibles au manque d’eau est la mesure ayant le plus de potentiel pour réduire leur vulnérabilité face aux sécheresses à venir. Mais une telle transformation dépasse de loin les marges de manœuvre des seuls agriculteurs et ne pourra se déployer que dans un cadre politique, économique et technique favorable. En particulier, la structuration des filières et des débouchés constitue un vaste chantier pour que des cultures aujourd’hui marginales trouvent leur place dans nos champs et dans nos assiettes.
Mais cela ne sera pas suffisant. Même si nous pouvons en atténuer les effets, le dérèglement climatique et les autres menaces auxquelles nous faisons face (raréfaction des énergies fossiles, dégradation des écosystèmes, tensions géopolitiques…) vont fortement impacter l’agriculture 
[12]
. L’adaptation a des limites, et les niveaux de production actuels ne pourront de toute évidence pas être maintenus 
[13]
. Nous adapter, c’est aussi reconnaître qu’il va y avoir de la casse, et mettre en place un cadre qui limite les effets négatifs pour les agriculteurs, les entreprises et la population. Avec une diminution prévue de 25 % de la production fourragère d’ici 2050 (voir le décryptage Quelles sont les adaptations possibles de l’agriculture face au manque d’eau ?), les éleveurs de ruminants sont en première ligne.
Bonne nouvelle : il est tout à fait possible d’assurer notre sécurité alimentaire avec des rendements en baisse, il faut pour cela diminuer le poids de l’élevage et la part des terres arables destinées à l’alimentation animale. L’alimentation des animaux d’élevage mobilise en effet plus de la moitié de nos terres cultivables alors que ces terres pourraient nous nourrir directement avec une bien meilleure efficacité (voir le chapitre dédié dans le décryptage Consommation).
Deuxième bonne nouvelle : nous pouvons assurer la sécurité économique et professionnelle des éleveurs et des salariés de l’agroalimentaire malgré une activité qui décroît. Il faut pour cela mettre en place des politiques publiques adaptées et ne pas laisser les lois du marché et de la physique se charger d’éliminer les plus fragiles (voir le chapitre dédié dans le décryptage Consommation).
On voit au passage qu’en matière d’adaptation de l’agriculture au manque d’eau, l’irrigation est la pointe de l’iceberg. Les transformations à mener sont plus profondes et dépassent ce qui est du ressort des seuls agriculteurs. Sans surestimer son potentiel, le développement d’une irrigation « de résilience »
 
pourrait tout de même nous permettre de consommer moins d’eau qu’aujourd’hui tout en contribuant davantage à notre sécurité alimentaire. Il s’agirait d’une irrigation :
  • dimensionnée avec prudence par rapport à la disponibilité future de l’eau ;
  • qui ne compromet pas les autres usages (eau potable, milieux aquatiques) ;
  • restreinte aux cultures directement dédiées à l’alimentation humaine ;
  • qui sécurise les étapes critiques du cycle cultural sans chercher à maximiser le rendement.
Il reste la question des événements extrêmes. Comment gérer une sécheresse plus sévère que celle de 2022 ? Une sécheresse qui pourrait s’étendre sur trois ans, voire plus ? Qui marquerait une chute brutale et inédite de la production agricole et rendrait l’approvisionnement en eau potable très compliqué dans certaines régions ? Il s’agit d’un vaste chantier qui requiert de l’anticipation : réduire au mieux notre vulnérabilité en amont et avoir réfléchi à un plan de gestion de crise au niveau local et national. Nous avons encore un peu de travail !

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5 min
Menaces et enjeux pour la sécurité alimentaire en France
En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, la
sécurité alimentaire 
est souvent considérée comme acquise de longue date. Plusieurs faits majeurs mettent toutefois ce récit en défaut, si bien que celle-ci est en réalité loin d’être atteinte et pourrait même se voir définitivement compromise sans changement rapide de trajectoire.