On peut réduire les besoins en eau de l’agriculture de plusieurs manières
: en améliorant l’efficacité de l’irrigation, en favorisant des cultures et des variétés moins sensibles au manque d’eau et en modifiant l’environnement des cultures pour limiter le
stress hydrique
.
Concernant l’irrigation, les techniques dites « de précision »
peuvent améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau en favorisant des apports « au bon endroit et au bon moment » notamment grâce au suivi de l’état hydrique du sol. Néanmoins, le risque d’un « effet rebond » en la matière est bien documenté : la plus grande efficacité de l’irrigation pousse à y avoir davantage recours, ce qui peut conduire paradoxalement à une plus grande consommation globale d’eau
[6]
. Les autres limites de ce type d’adaptation sont son coût, le risque de
salinisation des sols
, le peu de contrôle par les agriculteurs sur les technologies utilisées, et le fait qu’il soit par définition restreint aux zones irrigables, soit une minorité des terres.
Remplacer des cultures fortement consommatrices d’eau l’été par d’autres moins gourmandes
est la mesure la plus efficace pour réduire structurellement la demande en eau du secteur agricole. Il est possible dans certains cas de le faire avec des cultures « classiques » comme le blé, l’orge, le colza ou encore le tournesol
. Mais le plus souvent, ces cultures sont déjà bien représentées dans l’
assolement
et il est nécessaire d’introduire de nouvelles cultures pour des raisons agronomiques (sorgho, millet, luzerne, lentille, pois chiche, soja, légumes plein champ…)
. Plus généralement, avoir différentes cultures avec chacune ses forces et ses faiblesses, permet d’être moins vulnérable face à la sécheresse et aux autres aléas puisque le risque est davantage partagé entre les cultures. Malheureusement,
la diversification des cultures se heurte à de nombreux obstacles : charge de travail supplémentaire, manque de variétés adaptées ou d’outils et machines spécifiques, besoin de formation des producteurs et de leurs partenaires techniques ou commerciaux, absence de filière pour la récolte ou le stockage, débouchés incertains et moindre valorisation économique des produits issus d’une diversification par rapport aux cultures dominantes
. Pour que la place du maïs irrigué diminue, il faut que les cultures alternatives deviennent plus attractives, que les débouchés soient assurés et que les filières qui en dépendent aujourd’hui (notamment l’élevage) puissent se réorganiser en fonction, y compris en réduisant leur activité. Autrement dit, il y a beaucoup de paramètres à actionner en même temps, et
ni les agriculteurs, ni les consommateurs n’ont le pouvoir de planifier et de coordonner à eux seuls un changement d'une telle ampleur (voir le
chapitre dédié dans le décryptage Impacts des pratiques agricoles). L'intervention des autorités et en particulier de l'État est nécessaire pour établir le cadre nécessaire. La problématique est la même concernant le remplacement des cultures pérennes (vigne, arbres fruitiers) qui deviennent inadaptées à l’évolution du climat local.
La sélection de variétés de plantes plus tolérantes au manque d’eau peut être une option intéressante en matière d’adaptation, mais on ne peut raisonnablement fonder tous nos espoirs dessus. Il s’agit d’un processus technique long, incertain, et il est difficile d’améliorer ce paramètre sans perdre sur d’autres plans (tolérance au stress, résistance aux maladies, rendement, qualité nutritionnelle…).
Le mélange de variétés pour une même culture est également une piste à explorer, certains essais montrent en effet une meilleure tolérance à la sécheresse des mélanges par rapport aux cultures « pures »
[7]
.
On peut aussi réduire le stress hydrique des cultures en augmentant les niveaux de matière organique des sols, ce qui améliore leur capacité à retenir l’eau (et plus généralement leur fertilité). La généralisation des cultures intermédiaires et la plantation d’arbres dans les parcelles sont les mesures les plus efficaces pour relever les niveaux de matière organique
[8]
. Mais cela représente un coût supplémentaire qui reste aujourd’hui pris en charge par les agriculteurs volontaires et le gain en termes de rétention d’eau demeure limité
. De la même manière, si développer l’agroforesterie a de multiples avantages en termes de biodiversité ou de séquestration de carbone, l’effet des haies et des alignements d’arbres au sein des parcelles sur le stress thermique et hydrique des cultures (par ombrage et protection du vent) est peu documenté
[9]
.